The End

Publié le par Chris

P1050884

 

Voilà, il est temps de conclure. Je pense à cet article depuis quelques jours et au moment de l’écrire, les idées se bousculent dans ma tête et je ne sais par quoi commencer. Difficile de résumer nos impressions en quelques lignes. Alors, je vais débuter par le plus facile, l’anecdotique...


Pour ces trois jours, nous avons loué un appartement en plein centre de KL car nous voulions que les enfants profitent tranquillement de ces derniers instants. Nous logeons au sein d’une jungle de béton où chaque tour s’élève plus haut que sa voisine, dans une habitation avec deux chambres, munie de tout le confort moderne. Les gamins, complètement excités, ont enfilé chacun un peignoir blanc et ont tenu à dormir tous les trois dans un lit king size face aux grandes baies vitrés en étage élevé qui donnent sur les lumières de la ville. Après tous ces mois d’inconfort, le « luxe », bien que relatif, les émerveille tout autant que les multiples endroits visités auparavant. Pour moi, le voyage semble déjà fini dès l’instant où nous avons retrouvé des conditions de vie conformes aux standards européens. Je me remémore la terrasse de l’hôtel de Bogor où j’écrivais un premier article et j’ai la sensation de boucler la boucle…


Les enfants sont contents de rentrer. Pour Nina, l’attente des derniers jours s’est révélée difficile, elle nous demande fréquemment dans combien de dodos nous serons à Ste Agnès. Lily est heureuse de revoir ses copines du village ; quant à Matt, c’est plus mitigé mais je le soupçonne de feindre l’indécision pour me faire plaisir. Comme c’est souvent le cas, les effets positifs du voyage devraient s’accentuer avec le temps, lorsqu’ils auront oublié les moments les plus pénibles pour n’en retirer que le meilleur, la substantifique moelle aurait dit Rabelais. Attendez vous de toute façon à entendre parler pendant un moment de « l’éléphant qui chargeait » et des « dragons de komodo ». J’espère que l’expérience leur sera bénéfique, l’avenir le dira mais je suis optimiste ;-).

Je ne parlerai pas au nom de Sandrine alors j’enchainerai directement sur mes impressions. Ça risque de ressembler un peu à un « j’aime, j’aime pas », même si j’aurais souhaité éviter l’écueil mais au diable les effets de style, je n’ai plus beaucoup de temps avant de conclure.

 

J’ai adoré, une fois de plus, le nomadisme. Avec le recul, j’ai le sentiment que c’est la véritable nature de l’homme, ne pas être propriétaire d’un carré de pelouse mais locataire de la planète entière, errer où bon lui semble, contraint simplement par des comportements naturels liés à la survie, boire, manger, dormir, dans un quotidien rythmée par des évènements s’y rapportant. J’ai redécouvert le tempo adagio de la journée qui s’écoule, des choses aussi simples que, par exemple, le petit déjeuner, qui est un rituel que je zappe systématiquement en temps normal sous la contrainte du temps qui défile, ou en soumission à quelques minutes de sommeil supplémentaires. C’est pourtant le moment où l’humeur se précise, où des dispositions sont prises, un tournant qui, s’il est raté, augure mal des heures qui vont suivre. Le nomadisme, c’est le culte de l’essentiel et la conséquence qui en découle, c’est de vivre selon les règles d’un certain ascétisme, au travers de conditions d’existence un peu rugueuses, libéré de toutes les formes de tentation, notamment celles liées à la consommation. Même si le tourisme est une forme de consumérisme immatériel, nous avons veillé à rester humble dans la vie quotidienne. Enfin, il est doux de penser que l’Etat favorisant la sédentarité comme outil de contrôle social, nous sommes restés invisibles pendant ces quelques mois, simplement trahis par la fréquence des articles de ce blog ou l’ouverture de notre boite mail grâce à laquelle Google pourrait retracer notre itinéraire. Dans un grand élan de parano face à Big Brother, il m’est même arrivé à une ou deux reprises d’ôter la puce de mon portable en pensant « voilà, vous serez bien en peine de nous retrouver à présent » ;-)

 

Dans le livre de Monod, « terre et ciel », il y a cette phrase empruntée à Mirabeau « les hommes sont comme les pommes, quand on les entasse, ils pourrissent », qui pourrait sembler bigrement pertinente dans ces régions où la densité de population est si forte qu’on a toujours l’impression d’être accompagné lorsqu’on veut aller pisser dans un coin de nature. Cette densité est sans doute l’une des raisons pour lesquelles nous avons moins apprécié le Vietnam et à l’inverse, adoré le Laos, dix fois moins dense que son voisin. La plupart des problèmes environnementaux, et des problèmes tout court, sont liés à cette concentration élevée d’êtres humains mais je reste admiratif de la résilience de ces personnes, capables de surmonter psychologiquement toutes les difficultés auxquelles ils font face, dans des proportions en tout cas bien supérieures à celles que nous serions capables d’endurer. Ces gens sont extraordinaires, bien plus efficaces pour le moral que tous les anxiolytiques destinés à combattre une dépression. Dépressifs de tous bords, partez en Asie, le voyage n’est pas remboursé par la sécurité sociale mais la thérapie est sans effet secondaire !!

 

J’ai aussi réellement apprécié la possibilité de lire, d’écrire et d’apprendre chaque jour un peu plus. Toute ma « réflexion » se résume finalement dans les écrits des voyageurs illustres qui m’ont précédé. Dans les bookshops, le hasard a guidé mes choix de lecture vers Stevenson, Theodore Monod, Thoreau, Claude Levi Strauss ou Sylvain Tesson et avec le recul, je me demande si c’est bien moi qui ai choisi ces livres où si ce sont eux qui m’ont choisi. A travers leurs écrits, j’ai eu à plusieurs reprises le sentiment de percevoir clairement ce que je ressentais réellement sans jamais avoir bien su l’exprimer auparavant. Chacun d’entre eux, à des âges semblables au mien actuellement, ont tenu des discours assez similaires sur l’uniformité du monde, l’humanisme ou le développement et conforté par les opinions de ces glorieux aînés (à l’exception de Tesson, né en 72 mais qui pourrait en avoir 80 tant il a parcouru le monde), j’ai moins de pudeur à en dévoiler la teneur aujourd’hui, avec infiniment moins de talent et de complexité, évidemment. Tesson, par exemple, dévoile qu’il est sorti des « chemins humanistes lorsqu’il a pris conscience de l’oppression de la moitié de l’humanité par l’autre » (petit traité sur l’immensité du monde). L’homme est en effet la seule créature capable d’opprimer sa compagne et j’ajouterai le seul également qui détruit l’environnement dans lequel il vit. Ce fût un crève cœur, le long de tous ces kilomètres parcourus, d’observer la destruction sans conscience de la faune et la flore, de façon quasi irrémédiable. Je n’énumèrerai pas tous les éléments du désastre mais je peux rappeler simplement cette petite anecdote, la dernière que nous ayons vécu en mer d’Andaman, alors que nous étions partis pêcher toute la matinée. Malgré deux lignes lancées à l’eau, nous sommes revenus bredouilles au bout de plusieurs heures, ce qui traduira bien entendu notre manque d’habileté dans l’exercice et peut être une part de malchance mais aussi la disparition programmée du poisson dans cette région du monde. La propriétaire de la guest house nous a avoué que la ressource halieutique se faisait rare et qu’il était dorénavant habituel que les pêcheurs reviennent sans prise plusieurs jours d’affilée. « Many fishermen » a-t-elle conclu…


L’autre problème majeur, celui auquel on ne peut rester indifférent lorsqu’on voyage et auquel j’ai déjà fait référence dans ce blog, c’est l’uniformité des cultures, un processus qui s’est formidablement accéléré ces dix dernières années où la mondialisation concourt à répandre un modèle universel basée sur la civilisation du profit anglo-saxonne. Je n’ai guère envie de revenir là dessus, il me faudrait davantage de temps, et peut être d’envie, ni de répondre à ceux qui confondent ce processus avec celui de modernité, comme si le fait de porter un jean était un aboutissement pour ces peuples à la culture millénaire. J’ai simplement envie de citer un passage de Levi Strauss (pas l'inventeur du jean, l'ethnologue ;-)), que j’ai sous les yeux, et qui m’épargnera de longues phrases inutiles car il est l’autorité sur le sujet : « Il y a eu un temps où le voyage confrontait le voyageur à des civilisations radicalement différentes de la sienne et qui s’imposaient par leur étrangeté. Voilà quelques siècles que ces occasions deviennent de plus en plus rares. Que ce soit dans l’Inde ou en Amérique, le voyageur moderne est moins surpris qu’il ne reconnaît » et il ajoute plus loin « la civilisation n’est plus cette fleur fragile qu’on préservait, qu’on développait à grand peine dans quelques coins abrités d’un terroir riche en espèces rustiques, menaçantes sans doute par leur vivacité, mais qui permettaient aussi de varier et de revigorer les semis. L’humanité s’installe dans la monoculture. Elle s’apprête à produire la civilisation en masse comme la betterave. Son ordinaire ne comportera plus que cela » (tristes tropiques, 1955).

 

Voilà… Je n’ai guère été humoristique ou particulièrement optimiste dans ce blog, j’étais davantage guidé par la volonté de me « botter les fesses » pour pondre deux ou trois trucs intelligents. Je ne sais pas si j’ai réussi, mais en attendant, j’ai la sensation d’être un peu moins con à mon retour que je ne l’étais lors de mon départ ;-). Ce voyage s’achève, et ce qu’il y a de certain, c’est que j’en reviens également assez critique sur le tourisme de masse, notre propre expérience ayant contribué évidemment à me forger cette opinion. J’ai pensé à certains moments qu’il était devenu stupide de voyager mais je sais que je ne pourrai me résoudre à rester chez moi à l’avenir. Alors, il faudra envisager d’autres formes de voyages, plus respectueuses, sans doute plus constructives. En attendant, j’espère que les enfants ont ouvert un œil sur le Monde, voire même les deux et que ce périple restera en eux, comme le précédent.

On s’est au final éclaté, et on revient la tête pleine de projets. On espère en concrétiser un ou deux ;-)

 

Le 18 janvier 2011, ce blog est à présent fermé.

 

Provisoirement… ;-)

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
O
<br /> Salut à tous!<br /> Je n'ai pas lu tout le blog....mais attentivement la "conclusion" de Chris. J'ai bien aimé. De longues soirées de débat avec ou sans photos en perspectives.<br /> Bon retour à la; j'allais dire "vraie vie". Mais qui sait si la "vraie vie" est celle que vous aviez là-bas ou celle que vous aurez ici?<br /> A+<br /> Oliv<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> A bientôt en direct... J'attends un massage gratuit, quelques conseils culinaires et surtout quelques indications pour un voyage cet été !!<br /> Biz à tous<br /> <br /> <br />
Répondre
P
<br /> adieu les quiches, on est qq bridés de la vie à vous attendre de pieds fermes<br /> un prout et une biz<br /> <br /> <br />
Répondre
G
<br /> Salut,<br /> j'ai hâte de pouvoir échanger avec vous les impressions de ce fabuleux périple. Préparez-vous bien au retour:ski, froid, travail! .....<br /> A bientôt<br /> Gilles<br /> <br /> <br />
Répondre
F
<br /> Nous vous attendons à Sainte Agnes !!!!!!!!!!!!!!!!<br /> à la semaine prochaine<br /> <br /> <br /> VIOLETTE<br /> <br /> <br />
Répondre